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Le chef François Moureaux

BOCUSE D’ARGENT – FRANCE 2015

François Moureaux, pureté et gourmandise. Quand il se met aux fourneaux, François Moureaux plonge dans l’univers familier de son enfance, doux mélange de plaisir, d’exigence et de précision.

Le Chef pratique une cuisine pure, simple et actuelle.

Formé par les plus grands :

  • Guy Martin au château de Divonne,
  • Manuel Martinez à la Tour d’Argent,
  • Laurent Haudiot chez Marius et Janette,
  • Philippe Pleuen au Scribe

Entre lacs & montagnes

Le chef et sa brigade se déplace au grès des saisons dans deux établissements :

  • L’hiver au Praz à Courchevel (Savoie) : restaurant l’Azimut* une étoile au Michelin ouvert d’octobre à mai

 

  • L’été à Bonlieu dans le Jura : restaurant de l’Auberge de la Poutre.

Dans les pas de mon père

Les premières montagnes à m’avoir accueilli sont celles du Jura, où je suis né en 1971 à Lons-le-Saunier. Mes parents habitaient un charmant petit village du nom de Bonlieu. Ils y tenaient l’hôtel-auberge de la Poutre, un établissement haut de gamme dont le nom était au moins aussi célèbre que celui du très beau lac du village situé à quelques kilomètres de là parmi les bois.

C’est là que j’ai grandi, au sein du restaurant familial, jouissant d’un cadre naturel privilégié, baignant dans l’univers du raffinement, là où les belles gens aiment à se retrouver pour partager un moment d’exception autour d’un ragoût d’écrevisses aux morilles, d’une truite aux amandes ou de quelques autres mets délicats préparés avec talent et amour. De la passion, mon père en avait à revendre. Il ne se ménageait jamais lorsqu’il était en cuisine. Peut-être parce que dans cet univers, la joie de satisfaire le client ne rivalise aucunement avec la dureté du labeur. De son côté, ma mère faisait vivre la salle. Elle était le sourire du restaurant, ce petit plus charmeur qui à lui seul a le secret de parfaire les plats confectionnés en coulisses. J’observais leur travail à tous deux les yeux remplis d’admiration. En moi bouillonnait l’envie de mettre un pied à l’étrier, de me former aux côtés de mon père, même si je me savais encore bien trop jeune.

À 10 ans, j’obtins l’âge de la maturité. Enfin, du moins, ma volonté fut exaucée ! Je rejoins la cuisine où j’appris à préparer des petits fours. Rien ne me passionnait plus que cela. Le collège n’était ni plus ni moins qu’une obligation légale. Je faisais le minimum pour monter en niveau, car il me fallait bien pouvoir décrocher mon baccalauréat pour viser un BTS en école hôtelière, dans le sillage de mon père. Mon excellent niveau en allemand compensait ma fainéantise. Il faut dire que j’avais la chance de bénéficier de grands-parents autrichiens – chez qui je passais depuis toujours mes vacances d’été –, ce qui arrangeait bien mes affaires…

Lorsque j’ai intégré le lycée hôtelier de Poligny pour y faire un BEP, il me semblait que le plus dur du travail était derrière moi. Comme cela faisait plusieurs années que j’apportais mon aide à mon père, j’avais toute confiance en moi. Et je ne m’en cachais pas ! Seulement, j’étais loin d’imaginer que le statut étoilé de mon paternel couplé au peu de bases que je croyais tenir comme un avantage, allait m’attirer les railleries des uns et les jalousies des autres.
Plus l’année se déroulait et plus mon entourage me semblait hostile. « Alors, c’est comme ça que ton père t’apprend à travailler ? », me disait-on dès que j’avais le malheur de faire un faux pas. Comble de mon malheur, la cuisson des viandes et des poissons m’était totalement étrangère du fait de mon fort attrait pour la pâtisserie. Il ne me restait plus qu’une chose à faire : persévérer.

Éducation au goût

Mes parents étaient de fins palais, ils adoraient fréquenter les établissements étoilés. Depuis tout jeune, j’étais un habitué des formules dégustation, ce qui ne manquait pas de surprendre les maîtres d’hôtel que l’on entendait questionner : « Pour le petit aussi, un menu dégustation ? ». J’avais visité les plus grands établissements : le restaurant de Georges Blanc, le Gray d’Albion de Jacques Chibois, la Maison Lameloise… Je me rappelle particulièrement de ce dernier lieu pour y avoir dégusté la meilleure crème brûlée au safran et à l’orange qu’il ne m’ait jamais été donné de goûter. Je mesurais assurément la chance qui était la mienne, car outre le fait de servir des plats d’exception, ces maisons étaient les garantes d’une vraie culture.

J’ai validé mon BEP après un stage de deux mois au restaurant de Jean-Michel Tannières, à Malbuisson. Puis, j’ai poursuivi ma formation en baccalauréat avec un stage de deux mois au Château de Divonne, chez Guy Martin. Le bac en poche et le titre de Champion de France Junior, obtenu en mars 1991 (encadré notamment par Edouard Hirsinger, MOF CHOCOLATIER à Arbois), je poursuivis mon cursus scolaire avec le Brevet de Technicien.

Sans avoir rien demandé, par je ne sais quelle magie, la chance fit que Monsieur le Proviseur m’attribua cette place tant convoitée. Au final, le bagne aurait certainement trouvé plus de grâces à mes jeunes yeux. Car ici, c’était la vie à la dure ! Je me souviens d’avoir commencé mon stage sur une note faussement ironique. À mon arrivée, le Chef n’était pas encore là. C’est le second qui s’était chargé de m’accueillir en cuisine une demi-heure avant mon horaire. Une heure après, quand le Chef s’est présenté, il m’a tenu ces propos : « C’est toi le nouveau ? Toi, T’es pas un bon, les bons ils arrivent une heure en avance ! »

Le ton était donné. Les mois qui m’attendaient dans le cadre de mon BTS n’allaient certainement pas être les plus faciles de ma vie, mais au moins j’étais sûr de ressortir grandi de là. J’ai effectivement vu et touché à plein de choses. Je me souviens tout particulièrement de l’épreuve des soufflés au Grand Marnier. C’était un des desserts les plus difficiles à exécuter. J’avais toujours la pression lorsqu’un client en commandait un. « Ça va encore être un service stressant », pensais-je en mon for intérieur. J’avais toujours peur que mon soufflé ne monte pas. Un classique !

Heureusement, à chaque faux pas, Jaques Lameloise était là qui guettait pour nous remettre dans le droit chemin. Au terme des quatre mois que j’ai passés dans sa maison, je maîtrisais la technique. Mais aujourd’hui question stress, rien n’a changé lorsque l’on me commande ce fameux soufflé !
J’ai obtenu mon BTS en 1993 et tout de suite enchaîné en partant à l’armée. Grâce à l’aide appréciable d’un député du Jura, j’ai rejoint le Ministère de la Défense pour y effectuer deux mois en tant que cuisinier. Nous étions une dizaine à y travailler, servant entre 150 et 200 couverts le midi. Au bout de deux mois, j’ai été détaché auprès de Simone Veil et de Philippe Douste-Blazy. Un service militaire assez tranquille.

La passion à l’épreuve du feu

De retour dans le Jura, j’ai repris du service dans le restaurant de mes parents. Durant l’été, de nombreuses propositions m’ont été faites dont deux émanant d’anciens chefs de partie de Jacques Lameloise et une venant d’un ami, Romuald Fassenet, qui travaillait à La Tour d’Argent Mr Claude Terrail. « Viens, on cherche du personnel, c’est super ici ! », m’encourageait-il. Comment passer à côté de l’occasion de travailler dans le restaurant 3 étoiles du Chef Martinez ? Le pouvait-on seulement ? Ni une ni deux, j’ai plié bagage et me suis rendu à la capitale. Le premier mois fut compliqué. J’avais eu la plus grande peine à me trouver un logement et les horaires étaient assez éprouvants. Je ne me sentais pas à l’aise ; j’ai tenu deux mois.

Alors que je pensais retourner une nouvelle fois au bercail, le second de la Tour d’Argent, André Le Letty, qui lançait son projet de restaurant (L’Anacréon), m’a proposé de le suivre. Je suis resté sept mois à ses côtés avant de poursuivre mon petit bonhomme de chemin chez Marius et Jeannette pendant un an, puis à l’Hôtel Scribe, un autre restaurant étoilé Michelin de Paris. J’espérais secrètement multiplier les bonnes expériences pour assurer la succession du restaurant de mon père.

Lorsque cette volonté se fit ressentir de sa part, rien ne se déroula comme je l’avais prévu. En effet, je n’étais pas prêt. A la fin de la saison, ma compagne et moi prîmes quelques jours de vacances avant de nous éloigner de la région pour rejoindre les Alpes où chacun de nous avait trouvé du travail au sein du domaine des Trois Vallées. Mon épouse officiait au restaurant Le Tremplin à Courchevel, tandis que je faisais ma propre saison à l’hôtel Antares, à Méribel, à une vingtaine de kilomètres de là. Que ce fut difficile ! Il faut dire que c’était mon premier poste de second, en pleine saison avec une vingtaine de cuisiniers dont une bonne partie affichait une ponctualité irrégulière. Et puis il sévissait en toile de fond cette revente programmée qui minait le moral de l’équipe. Malgré tout, j’ai fait sur place des rencontres de premier rang qui m’ont permis de continuer à évoluer. Je pense en particulier au chef Patrick Bekes qui m’a donné toute sa confiance.

Mon contrat s’est achevé et le vague a repris possession de mes pensées. Je ne savais pas trop ce que j’allais faire alors que l’on proposait à mon épouse de rester à son poste pendant la saison d’été. Hormis le Chabichou peut-être, je doutais que beaucoup de restaurants ne soient ouverts à cette époque. Sandrine eut une très bonne idée en m’encourageant à solliciter les sapeurs-pompiers, elle qui me connaissait depuis l’âge de quinze ans et savait tout de mon autre passion pour ce métier. À l’âge de dix-huit ans, j’avais été capable de décliner la proposition d’une nouvelle saison chez Guy Martin pour préférer partir faire une formation chez les pompiers de Paris. Depuis lors, mon cœur avait toujours balancé entre cette carrière et celle de cuisinier. Finalement, je me disais que d’une certaine façon, je m’y retrouvais un peu car ce qui m’a toujours plu au restaurant ce sont les coups de feu. La sensation de l’adrénaline qui monte face à l’imprévu des commandes et des clients, mais aussi la routine d’exercer les mêmes gestes délicats et précis. Je me suis donc rendu au centre de secours de Courchevel. Là, le chef de centre m’a dit : « Je suis au complet, mais si vous avez de quoi vous loger sur place, je peux vous prendre en renfort. » J’étais d’astreinte presque toutes les nuits et je faisais régulièrement les gardes. Cette parenthèse hors de la cuisine m’était salutaire. Je me sentais momentanément fatigué de la restauration, de ses joies et ses peines. Durant deux années les saisons s’écoulèrent ainsi, deux années pendant lesquelles je continuais tout de même à me rendre utile auprès de mon père aux périodes fortes de son activité.